Le Tchad a officiellement mis fin à sa coopération militaire avec la France. L’annonce, faite hier soir par le porte-parole du gouvernement et ministre des Affaires étrangères, Abderaman Koulamallah, a provoqué une onde de choc sur la scène internationale. Ce divorce, prononcé après plus de six décennies de collaboration, marque un tournant majeur dans les relations entre les deux pays et s’inscrit dans un contexte géopolitique régional en pleine mutation.
Le communiqué officiel, rendu public jeudi 28 novembre, a confirmé la rupture des accords de coopération militaire, précisant que cette décision « marque un tournant historique ». « Après 66 ans de la proclamation de la République du Tchad, il est temps pour le Tchad d’affirmer sa souveraineté pleine et entière, et de définir ses partenariats stratégiques selon les priorités nationales, » peut-on lire dans le document.

La coopération militaire franco-tchadienne, en place depuis les années 1960, a connu plusieurs phases. Elle a notamment été révisée le 5 septembre 2019, un accord qui, semble-t-il, n’a pas répondu aux aspirations actuelles du gouvernement tchadien. La décision de rupture, annoncée cinq ans plus tard, soulève de nombreuses questions quant à ses motivations profondes. Si le communiqué officiel met l’accent sur la souveraineté nationale et la redéfinition des priorités, des analystes pointent vers des facteurs plus complexes.
Parmi les éléments susceptibles d’expliquer cette décision, l’influence croissante d’autres puissances régionales et internationales sur la scène tchadienne est souvent évoquée. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont déjà rompu leurs accords militaires avec la France ces dernières années, optant pour des partenariats avec d’autres acteurs, notamment la Russie via le groupe Wagner. Bien que le communiqué ne mentionne aucun partenaire spécifique, cette proximité géographique et les précédents récents laissent supposer une possible réorientation stratégique du Tchad.

Cependant, il serait réducteur de réduire cette décision à une simple adhésion à un « mouvement anti-français » en Afrique. Le Tchad, confronté à de nombreux défis sécuritaires internes et externes, notamment l’insurrection djihadiste dans le Sahel, cherche probablement à diversifier ses partenariats stratégiques pour mieux répondre à ses besoins spécifiques. La volonté d’affirmer sa souveraineté dans la gestion de sa défense et de sa sécurité nationale est un enjeu crucial pour le gouvernement tchadien.
L’impact de cette rupture sur la situation sécuritaire au Tchad et dans la région reste à évaluer. La France, longtemps un partenaire clé dans la lutte antiterroriste au Sahel, devra adapter sa stratégie. L’assistance militaire fournie au Tchad, notamment en termes de formation, d’équipement et de renseignement, sera certainement affectée. Cependant, il est probable que la France ne renonce pas complètement à son influence dans la région et cherchera à maintenir des canaux de dialogue avec le Tchad, même si les modalités de cette coopération future restent à définir.

Le communiqué ne fournit pas de détails sur les modalités de la transition, ni sur le calendrier de retrait des forces françaises éventuellement présentes sur le territoire tchadien. Ces informations cruciales restent attendues dans les prochains jours. De plus, la réaction de la communauté internationale sera déterminante. Certaines puissances pourraient saisir cette occasion pour renforcer leur influence au Tchad, tandis que d’autres pourraient exprimer leurs inquiétudes quant aux conséquences de cette rupture sur la stabilité régionale.
La fin de la coopération militaire entre le Tchad et la France marque une rupture significative dans les relations historiques entre les deux pays. Si la volonté d’affirmer sa souveraineté est une explication majeure, des facteurs géopolitiques plus larges, ainsi que des considérations internes de sécurité, ont probablement joué un rôle crucial dans cette décision. Les prochaines semaines seront déterminantes pour observer les conséquences de cette rupture et comprendre les nouvelles orientations stratégiques du Tchad en matière de défense et de sécurité. L’avenir des relations franco-tchadiennes reste incertain, mais cette décision marque indéniablement la fin d’une longue et complexe histoire commune. Le Tchad entre ainsi dans une nouvelle ère, celle de la réaffirmation de son indépendance sur le plan stratégique, et le monde observe avec attention les développements à venir.
Georges Martial Ngalieu