PANAFRICANISME : FRANCE-AFRIQUE, LE REJET DE LA FRANCE EN AFRIQUE, EST-CE UN SENTIMENT ANTI-FRANÇAIS…???

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L’Afrique traverse une période charnière. Le continent, longtemps considéré sous le prisme de la relation franco-africaine héritée de la colonisation, expérimente aujourd’hui une mutation géopolitique profonde. Un sentiment de rejet de la France, ancienne puissance coloniale, s’exprime avec une force inédite, alimentant débats et interrogations. Ce rejet est-il purement anti-français, ou s’agit-il d’une expression plus complexe de revendications identitaires, économiques et géopolitiques, intimement liées à l’émergence d’un panafricanisme renouvelé ?

L’histoire entre la France et l’Afrique est un héritage complexe, marqué par la colonisation, l’indépendance et une relation postcoloniale souvent qualifiée de néocoloniale. L’aide au développement, le soutien aux régimes autoritaires, la présence militaire persistante et l’influence économique considérable de la France ont alimenté des ressentiments profonds. Le système de la Françafrique, réseau d’influences et de relations privilégiées, est régulièrement critiqué pour son opacité et son impact néfaste sur le développement économique des pays africains.

Cependant, qualifier simplement ce rejet de « sentiment anti-français » serait une simplification excessive. Ce n’est pas un refus systématique de la France en tant que nation, mais plutôt un rejet de certaines pratiques et de certains modèles hérités de la colonisation et entretenus par des politiques postcoloniales. Plusieurs facteurs contribuent à expliquer ce phénomène :

1. La question économique : un enjeu central

Le poids économique de la France en Afrique, notamment par le biais de la zone Franc CFA, est au cœur des critiques. Le maintien de cette zone monétaire, perçue comme un outil de subordination économique, est régulièrement dénoncé. La dépendance de certains pays africains envers l’économie française, les accords commerciaux jugés déséquilibrés et l’extraction des ressources naturelles au profit des intérêts français alimentent un sentiment d’injustice et de frustration. Les nouveaux partenariats économiques avec la Chine, la Russie ou la Turquie offrent des alternatives, suscitant un désir d’émancipation économique et une diversification des relations internationales. Ce n’est pas un rejet de la France, mais un désir de contrôle sur son propre destin économique.

2. La géopolitique : un contexte en mutation

Le paysage géopolitique mondial a profondément changé. L’émergence de nouveaux acteurs sur la scène internationale, notamment la Chine et la Russie, offre aux pays africains de nouvelles options stratégiques. Ces puissances proposent des investissements massifs dans les infrastructures et les ressources naturelles, sans les conditionnalités souvent associées à l’aide occidentale. Cette diversification des partenariats internationaux témoigne d’une volonté d’indépendance et d’une recherche de souveraineté économique. La compétition géopolitique entre les grandes puissances exacerbe le processus, offrant aux pays africains un terrain propice pour négocier de meilleures conditions.

3. La question mémorielle : une blessure ouverte

Le passé colonial laisse des traces profondes. La négligence de la France concernant la reconnaissance des crimes coloniaux et le manque de réparations pour les souffrances subies entretiennent une blessure mémorielle collective. La demande de justice historique et de réparation pour les dommages causés par la colonisation est au cœur des revendications identitaires actuelles. Ce n’est pas un simple anti-français, mais une lutte pour la reconnaissance et la dignité.

4. La gouvernance : un facteur aggravant

Le soutien passé de la France à des régimes autoritaires en Afrique a créé un climat de méfiance envers les interventions occidentales. La perception d’une implication française dans la corruption et l’instabilité politique de certains pays renforce ce sentiment. Le rejet de la France est, dans certains cas, indissociable du rejet de systèmes politiques corrompus et inefficaces. Le panafricanisme, dans ce contexte, représente une tentative de construction de nouvelles formes de gouvernance plus justes et plus représentatives.

5. L’émergence du panafricanisme : une force motrice

Le panafricanisme, idéologie qui prône l’unité et la solidarité entre les pays africains, joue un rôle majeur dans ce contexte. Il s’agit d’une affirmation identitaire forte, d’une volonté de construire un avenir commun en dehors des tutelles étrangères. Le mouvement panafricain offre un cadre d’expression à ces revendications, dépassant les clivages nationaux pour promouvoir une vision continentale du développement.

Le rejet de la France en Afrique est un phénomène complexe qui ne se réduit pas à un simple sentiment anti-français. Il est le fruit d’une histoire coloniale lourde, de frustrations économiques, d’une volonté de diversification des partenariats et d’une affirmation identitaire forte ancrée dans le panafricanisme. Il est impératif de dépasser les analyses simplistes et de comprendre les nuances de ce phénomène pour construire une relation future entre la France et l’Afrique fondée sur le respect mutuel, la coopération équitable et la reconnaissance de la souveraineté des États africains. L’avenir des relations franco-africaines dépendra de la capacité de la France à adapter ses politiques et à s’engager dans un dialogue sincère et constructif avec les pays africains.

Une analyse de Georges Martial Ngalieu

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