Un silence pesant s’est abattu sur Yaoundé, l’atmosphère est lourde de spéculations et d’inquiétudes. Le Cameroun est en proie à une vague de rumeurs sur la santé du président Paul Biya, alimentées par son absence prolongée de la scène publique et par les informations contradictoires émanant du gouvernement. Un scénario qui rappelle étrangement la période de 2004, lorsque le président, après un long séjour à Genève en Suisse, avait disparu des radars, suscitant des spéculations sur son état de santé et même son éventuel décès.
En 2004, des semaines se sont écoulées sans nouvelles officielles, alimentant les spéculations sur son état de santé et même son éventuel décès. La presse s’interrogeait, la population s’inquiétait, et le gouvernement gardait un silence glacial. Ce n’est que le 9 juin 2004, après des semaines d’incertitude, que le président Biya fit son retour au Cameroun.

À sa descente d’avion à l’aéroport de Yaoundé-Nsimalen, face aux journalistes qui l’attendaient avec impatience, il lança cette phrase, devenue célèbre: « Des gens s’intéressent à mes funérailles. Je leur donne rendez-vous dans 20 ans ». C’était un défi lancé à ceux qui osaient imaginer un Cameroun sans Paul Biya, une déclaration pleine d’ironie et de défi.
Aujourd’hui, 20 ans et 4 mois plus tard, le même scénario semble se reproduire, mais avec une différence notable: le gouvernement, en lieu et place d’un silence glacial, multiplie les communiqués pour démentir les rumeurs sur la supposée mort du président.

Le ministre du Cabinet Civil, le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, et le ministre de l’Administration Territoriale, Paul Atanga Nji, ont tous publié des déclarations condamnant les « élucubrations » et les « rumeurs fantaisistes » sur l’état de santé de Paul Biya.
« Des personnes sans scrupule inondent les médias et les réseaux sociaux de nouvelles mensongères sur l’état de santé du Président de la République », accuse le communiqué du ministre de l’Administration Territoriale. « Ces élucubrations ont pour objectif malsain de perturber la quiétude des Camerounais, semer la confusion et le doute dans les esprits en vue d’installer le pays dans l’incertitude ».

Le ministre Atanga Nji va plus loin en ordonnant la mise en place de « cellules de veille » dans chaque région, chargées de surveiller les médias et les réseaux sociaux afin d’identifier les auteurs de « commentaires tendancieux » sur le sujet.
« Tout débat dans les médias sur l’état du Président de la République est par conséquent formellement interdit », martèle le communiqué. « Les contrevenants devront faire face à la rigueur de la loi ».

Ces mesures draconiennes, qualifiées de « musellement de la presse » par certains, ont provoqué une vive réaction de la part des journalistes et des défenseurs des libertés publiques. L’interdiction de tout débat sur la santé du président, même si elle est formulée dans un langage de « sécurité nationale », est perçue comme une violation grave de la liberté de la presse et du droit d’information du public.
La réaction du gouvernement, loin d’apaiser les inquiétudes, ne fait qu’attiser les soupçons et les questions qui se posent. Pourquoi autant d’agitation cette fois-ci ? Pourquoi ce besoin pressant de démentir les rumeurs et d’étouffer tout débat public sur la santé du président ?

Le silence du gouvernement en 2004 était déjà un signe de malaise, un signe que le pouvoir cherchait à éviter une crise politique en minimisant l’information et en espérant que la situation se résorbe d’elle-même. Mais aujourd’hui, la réaction du gouvernement est bien différente. Ce besoin de démentir, de contrôler l’information, de museler la presse, suggère que la situation est plus grave que ce que l’on veut bien nous laisser croire.
La réaction du gouvernement, loin d’apaiser les inquiétudes, ne fait qu’attiser les soupçons et les questions qui se posent. Que cache-t-on au peuple ? Pourquoi autant de communiqués cette fois-ci ? Qu’est-ce qui se trame ?
Le silence du gouvernement, son refus de répondre aux questions légitimes de la population, ne font qu’accroître la méfiance envers le régime. La population camerounaise a le droit de connaître la vérité sur l’état de santé de son président, quelle que soit la situation.

L’absence de transparence et le manque de communication du gouvernement nourrissent les craintes d’une transition chaotique. La question de la succession présidentielle, déjà un sujet sensible au Cameroun, devient de plus en plus pressante.
Les questions qui se posent ne sont pas simplement celles de la santé d’un homme, mais de l’avenir d’un pays. Le silence du gouvernement nourrit la méfiance et la suspicion. La population camerounaise a le droit de connaître la vérité sur l’état de santé de son président, quelle que soit la situation.
Certains s’interrogent si le Cameroun, comme d’autres pays africains, devraient attendre l’annonce de la mort de son président par les médias étrangers, comme ce fut le cas pour Omar Bongo Ondimba au Gabon, Muammar Kadhafi en Libye ou Idriss Deby Itno au Tchad.

Le Cameroun est à la croisée des chemins. L’avenir du pays dépendra de la capacité du gouvernement à faire preuve de transparence et de responsabilité, à répondre aux questions légitimes de la population et à assurer une transition politique pacifique et démocratique.
Le musellement de la presse nationale camerounaise et silence du gouvernement est un terreau fertile pour les rumeurs et les tensions. Il est temps de sortir de l’ombre et de répondre aux questions légitimes de la population camerounaise. Car, l’avenir du Cameroun est en jeu.

L’ombre du doute plane toujours sur Yaoundé. Les questions qui se posent ne sont pas simplement celles de la santé d’un homme, mais de l’avenir d’un pays et il est temps que le gouvernement assume ses responsabilités.
Georges Martial Ngalieu